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jeudi
21 Juil. 2011 |
Publié par Laurent
Le grand déballage |
Chaque onglet présente un aspect de mon existence et/ou des périodes de ma vie. Ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres, bien qu'ils se complètent.
Cependant je vous conseille fortement de commence par l'introduction... Et de finir par la conclusion. Au fil du temps je serais sans doute amené à en compléter certains. J'ai encore plein de choses à vivre (enfin j'espère)
Introduction
En lisant les autres onglets vous vous ferez peut-être la réflexion qu'en fait ma vie est à quelques détails près la même que celle de n'importe qui d'autre.
Ce n'est pas si faux de penser cela. Et si vous le pensez c'est très gratifiant pour moi, car cela veut dire que j'ai réussi, à quelques détails près, à être comme tout le monde, malgré ma différence.
Gardez tout de même en tête tout au long de votre lecture que malgré le ton un peu léger sur lequel je me raconte, tout se déroule sur un fond psychologique lourdement plombé. Tout pour moi est difficile aussi bien physiquement que psychologiquement. Vous n'avez pas idée à quel point il m'est difficile d'exister dans ce monde.
Pour vous aider à mieux comprendre le fond psychologique de l'existence d'un IMC, je laisse la parole à une psychologue, qui je trouve explique parfaitement les choses.
Enfance, adolescence
J'estime avoir eu une petite enfance assez heureuse et paisible, entrecoupée d'opérations chirurgicales. 4, au total.
La première à 6 mois, pour libérer mes tendons d'Achille.
La deuxième à 6 ans, opération des jambes pour me permettre de marcher convenablement, jusque là je marchais sans pouvoir poser mes talons à terre.
La troisième vers 10/11 ans, opération du genou.
Pour ces 3 opérations j'ai été plâtré des 2 jambes. Dans mes souvenirs la plus douloureuse a été celle où j'avais 6 ans. La plus contraignante a été l'opération du genou, car mes jambes devaient rester dans un certain angle d'inclinaison, à une distance précises l'une de l'autre. Mes plâtres étaient donc reliés l'un à l'autre par une barre. Impossible donc de bouger, je suis resté 1 mois alité en position dorsale.
Voici ce que cela donnait (ce n'est pas moi sur la photo, mais c'était exactement le même genre de plâtrage)
Quatrième opération à 13 ans, pour allonger mes adducteurs. Pas de plâtres.
Chaque opération était suivie de séances de kiné elles aussi assez pénibles. Quand on quitte un plâtre, on est raide, il faut réassouplir les membres. Mais bizarrement, au-delà de la souffrance, je garde d'assez bons souvenirs de ces périodes, car chaque opération m'a conduit vers un peu plus d'autonomie physique.
Mon handicap ne m'a pas posé trop de problèmes dans mes premières années. L'innocence de la jeunesse me permettait d'occulter certains regards et certaines phrases, et mes parents étaient là pour tout gérer. Epoque bénie.
C'est au collège que les premiers décalages entre moi et les autres sont apparus. A l'âge où l'égo s'affirme de plus en plus, où la compétition entre garçons apparaît et où les filles passent du statut de "mignonnes" à celui de "désirables".
Là j'ai commencé à sentir le fossé se creuser entre les «valides» et moi. J'avais toujours des copains, des copines, mais ce n'était plus pareil. Je prenais de plus en plus conscience de ma différence. Les regards et les blagues sur mon physique commençaient à me blesser moralement. J'essayais de les occulter, comme quand j'étais petit, mais plus possible à présent, chaque moquerie se gravait au burin dans ma mémoire. Aujourd'hui encore je me souviens de ceux qui ont ri de moi, presque autant que ceux qui m'ont soutenu.
Le fossé s'est creusé de plus en plus à l'époque du lycée, où j'ai mis beaucoup de temps à être accepté et respecté par les autres quand je suis entré en classe de seconde.
Mes dernières années d'études (ma terminale et mes 2 années de BTS), ont été sans doute les plus sympas niveau camaraderie. Il faut croire qu'à partir de 18 ans les ados sont moins cons entre eux. La majorité leur apporte un début de sagesse.
Famille
Le milieu familial est évidemment l'environnement où je me sens le mieux.
Mes parents avaient à peine plus de 20 ans lorsque je suis né. Très jeunes ils ont dût m'assumer et s'occuper de moi tel que j'étais. Je n'ai pas idée de ce que cela a été pour eux d'apprendre que leur fils avait un handicap et qu'il ne guérirait pas. Une montagne a dut leur tomber sur la tête.
Pourtant ils ont fait face, aidés et soutenus par la famille. Je n'aurai pas assez de 10 vies pour leur montrer ma gratitude, s'il n'avaient pas combattus pour moi, s'ils ne m'avaient pas poussé, éduqué, encouragé, aujourd'hui je serais sans doute recroquevillé dans un fauteuil roulant à commandes électriques, dans un centre, a faire je ne sais quelle activité pédagogique ennuyeuse.
J'ai toujours eu un rapport fusionnel avec ma mère, comme tous les petits garçons. Elle me couvait, me couvait beaucoup, mais en même temps elle ne me cédait rien.
Elle a beaucoup souffert à cause de moi, ma mère. Elle ne supportait pas de me voir triste ou en peine à cause de mon handicap. Et j'étais souvent triste et en peine, surtout dans les périodes d'opérations chirurgicales et de rééducation, où je souffrais beaucoup physiquement.
Elle passait son temps à me rendre heureux, à me cajoler, tout en essayant de me pousser vers l'autonomie. C'est compliqué à faire, frustrant aussi je pense, de protéger son fils handicapé tout en lui bottant les fesses pour qu'il sache se débrouiller seul un jour.
Les relations avec mon père étaient d'une toute autre nature. Perpétuellement conflictuelles.
Je pense que je n'étais pas au départ le fils auquel il s'attendait. C'est quelqu'un de très secret, qui a du mal (tout comme moi) à parler de ses sentiments, jamais je n'ai osé lui poser la question mais je crois qu'il n'a jamais pu intégrer le fait que j'étais handicapé, et je n'ai jamais réussi à lui faire comprendre que je n'arriverai jamais à faire certaines choses.
Bizarrement cela a eu un effet positif, car sans cela je ne serais jamais arrivé à faire toutes les choses que j'ai pu faire jusqu'à maintenant.
Il exigeait beaucoup de moi. Il voulait que je réussisse. C'était important pour lui que son fils soit dans les meilleurs et jamais il ne semblait satisfait de ce que je faisais.
Un exemple type. Je décroche mon brevet des collèges, et la seule félicitation que j'ai obtenu de sa part fut un truc du genre : "C'est bien, mais avoir réussi avec 10/20 de moyenne c'est limite quand même".
Finalement je pense avoir réussi à le satisfaire le jour où j'ai décroché mon poste au ministère de la Santé. C'était fini, pour lui j'avais réussi. Et nos rapport ont radicalement changé, on est devenu quasiment du jour au lendemain les meilleurs amis du monde.
J'en ai eu conscience bien plus tard mais en fait il a toujours été fier de moi. Il a juste développé son propre mécanisme éducatif. Tout comme ma mère a été capable de me couver et me secouer en même temps, il a été capable de m'élever en oubliant complètement mon handicap.
Ma grand-mère maternelle a largement contribué à mon éveil intellectuel.
C'était elle qui me gardait dans ma petite enfance. Elle me parlait, m'expliquait des tas de choses. C'était une femme dévote. Elle m'abreuvait de la parole du christ et me faisait la lecture de la bible illustrée, en prenant le temps de m'expliquer les concepts sous-jacents aux histoires de Noé et son déluge, Moïse et ses tables de la loi, Abraham et son sacrifice, Jésus et ses apôtres, l'énigme du Sphinx…
C'est elle qui m'a aidé à construire ma curiosité et mon esprit de déduction. C'est grâce à elle que j'ai su lire très tôt.
Chez mes grands parents paternels je trouvais un véritable refuge, dans leur ferme entourée de champs, en compagnie des animaux.
La plupart du temps ma grand-mère me gâtait, elle savait me gronder aussi quand je dépassais trop les bornes. Et ses bornes à elle étaient bien plus éloignées que celles que m'imposaient mes parents, c'est dire si j'étais heureux d'aller chez eux.
Mon grand père m'emmenait aux champs, je l'aidais lui et mon oncle à soigner les animaux, rentrer les foins, faire les vendanges…
Il y avait aussi de grands repas qui avaient lieu à la saint sylvestre et au premier de l'an, à la fin des vendanges, à la fin des moissons. Enfants, oncles, cousins et amis se retrouvaient. Quelquefois la tablée dépassait les 20 personnes.
Cette ferme est l'exemple même de la stabilité et de la quiétude, de ses murs émanent des rires et de la joie, du respect et de l'amour. C'est le lieu où, lorsque je serais très vieux, je souhaite finir mes jours, si c'est possible.
Les années ont passées. Aujourd'hui mes deux grand-mères s'en sont allées. Ma mère aussi nous a quittés, emportée par une tumeur en 2004. Mon père et moi prenons grand soin de mon grand père paternel, comme lui a pris soin de nous quand nous étions jeunes.
Je ne revois plus mes oncles, tantes et cousins maternels. La fratrie a éclatée pour une histoire d'héritage et de succession.
Du coté de mon père, je revois fréquemment ma cousine Betty et 2 ses filles, à qui je suis très lié. J'ai un peu perdu de vue mes deux cousines Karen et Cyrille, ce qui me fait un peu mal au coeur car on s'aime beaucoup elles et moi. Mais bon, chacun a sa vie de son coté, loin les uns des autres, et les occasions de se revoir se font de plus en plus rare. J'ai de temps en temps des nouvelles d'elles par le biais de ma grand-mère, et je suis sûr qu'elle leur donne des nouvelles de moi.
Scolarité
J'ai suivi un parcours scolaire standard, ayant échappé de peu à la voie de garage des écoles "adaptées" ou des centres.
Je dis échappé car au sortir de la maternelle une assistante sociale est venue frapper notre porte pour expliquer à mes parents que je n'étais pas en mesure d'entrer à l'école primaire. Même si j'étais un enfant plutôt éveillé, je n'étais pas capable d'exécuter certains gestes basiques que les enfants exécutent seuls à cet âge, comme enfiler mes chaussures et mon manteau tout seul par exemple. De plus l'apprentissage de l'écriture allait s'avérer problématique.
Mes parents ont demandé à ce que je passe une série de tests pratiques pour être sûr. Je me suis donc entraîné à me chausser, dépatter et repatter mon pantalon, enfiler et quitter mon manteau, tenir à peu près correctement un crayon, jusqu'à ce que j'y arrive seul. J'avais 6 ans. J'ai beaucoup pleuré en m'entraînant mais j'y suis arrivé.
L'assistante sociale n'a alors d'autre choix que de sortir sa botte secrète : l'intelligence.
Evidemment, en maternelle, faire des dessins et chanter des comptines est à la portée de n'importe quel attardé. Au CP, cela ne rigole plus, on rejoint le monde des futurs élites de la nation, pas de place pour quasimodo.
J'ai donc passé un test de QI. J’étais sans filet cette fois-ci, à l'époque il n'y avait pas Internet pour trouver des tests types et s’entraîner. Finalement il s'est avéré que j'ai un QI de 130, ce qui me situe dans la catégorie "enfant précoce".
L'assistante sociale s'est inclinée, je suis entré au CP.
Parcours classique, donc, qui m'a permis d'acquérir les connaissances et l'autonomie nécessaires à toute vie sociale digne de ce nom.
Du fait de ma précocité, j'apprenais très vite. Tous les problèmes connexes, tels que mes difficultés d'élocution et mon écriture lente et brouillonne, passaient au second plan. Je faisais l'admiration de mes maîtresses et professeurs, Ils m'écoutaient avec attention quand je parlais et cela ne les dérangeaient pas de me laisser plus de temps pour écrire.
Précoce n'est pas surdoué, et mon avance intellectuelle s'est calmée. A partir de la classe de 5ème, je me suis mis à en chier scolairement au même titre que me camarades, retombant dans la moyenne des élèves médiocres.
J'étais bon en français et en langues, mais cela ne mène à rien, à part être prof. Et je n'avais pas le profil pour devenir prof. Alors au sortir du collège, comme la moyenne des élèves médiocres, on m'a gentiment orienté vers des études de comptabilité, malgré mon niveau exécrable en maths. "Le bac G, un bac à bon marché", chantait Sardou. Il n’avait pas tort en fait.
Au lycée j'ai continué dans ma médiocrité, en faisant juste assez pour être juste dans la moyenne. C'était plus intéressant de faire le con en classe et de faire rire les filles. J'ai eu mon Bac avec 10,5/20 de moyenne. Cela résume tout.
Malgré cela, j'ai dut redoubler ma terminale, car mes notes n'étaient pas assez bonnes pour m'inscrire en BTS. Cela a été un redoublement facile, je crois que j'ai terminé avec une moyenne générale de 13/20 et une entrée en BTS assurée. Les vacances ont commencé cette année-là en mai pour moi, quand mes copains bachotaient, je faisais des siestes sur la pelouse du lycée.
Les 2 années de BTS qui ont suivi ont été un vrai calvaire. Je devais me taper 2 heures de train par jour pour aller et revenir de Bordeaux, les profs étaient cons, ce que j'étudiais ne m'intéressait pas. Heureusement l'ambiance en classe était plus que bonne, je n'avais que de très bons camarades.
Echec à l'examen, bien entendu, mais de très peu et à cause des maths.
Adieu sans regrets à ce séjour en enfer que furent mes études secondaires Bonjour le chômage et la neurasthénie
Vie sociale
Je suis quelqu'un de très solitaire, qui a beaucoup de mal à se lier aux autres.
Je n'ai jamais su si cela venait purement de mon caractère, ou si c'est le handicap qui m'a dirigé vers cet état d'esprit.
D'un côté…
J'ai du mal à parler, donc je parle peu. Du coup je communique moins avec les autres, les gens n'ont pas l'occasion de s'intéresser à moi.
Je n'aime pas être observé, je danse très mal (ce qui se comprend facilement). Du coup je ne sors pas en boite ni ne vais en soirées.
Je ne sais pas cuisiner. Donc je n'invite personne chez moi.
… Et en même temps…
Si je pouvais parler correctement, je ne sais pas si je parlerai plus.
Je suis un peu agoraphobe, voir du monde confiné dans un petit espace me stresse.
Je n'aime pas la musique qui passe en discothèque. Je suis fan de techno, mais la dance musique m'écorche les oreilles. J'aime bien choisir ce que j'écoute.
Du coup, je me demande si mon handicap joue un rôle majeur là dedans.
Etant fils unique, j'ai appris à grandir seul avec mon imagination. Passer une longue période sans voir personne ni parler ne me dérange pas. Je peux comprendre ceux qui ne peuvent pas passer une journée sans communiquer, mais je les plains encore plus. Ne pas pouvoir rester seul avec soi même est une forme de handicap.
Etant petit j'allais à quelques goûters, je me rappelle pas si cela me plaisait. Je pense que je préférais rester à la maison à jouer avec mes petites voitures et mes robots, ou avec nos 2 teckels, à lire mes Tintin et regarder les dessins animés.
Plus tard, je ne voyais jamais mes camarades de classe en dehors de l'école, car je ne les appréciais pas plus que cela. Je suis toujours étonné que certains aient gardés des contacts avec leurs anciens camarades de classe. Personnellement, à part une copine de terminale, je n'en revoie aucun. Pire, si j'en croisais un je serai capable de l'ignorer.
Avant que je m'installe à Paris, mes seuls amis étaient ceux de mes parents, et certains cousins et cousines avec qui je m'entendais vraiment bien. Ils n'étaient donc pas à proprement parler "mes" amis.
Depuis que je suis à Paris je me suis fais quelques bons amis. Ce fut d'abord des collègues que j'ai fréquenté en dehors du travail, et que je fréquente toujours même depuis qu'on ne travaille plus ensemble. En 2007 je me suis mis à jouer au poker. Les tournois live sont l'occasion de se réunir entre passionnés et de nouvelles amitiés sont apparues au fil du temps.
Je ne suis peut-être pas si solitaire que cela finalement.
Vie quotidienne
A l'époque où j'étais à l'école, tout était réglé comme du papier à musique.
La semaine c'était les cours, les devoirs, le dodo.
Le week-end repos à la maison et devoirs. Quelquefois mes parents recevaient des amis et de la famille, quelquefois nous allions manger chez mes grands parents, à la ferme.
Je passais toutes mes vacances dans la ferme de mes grands parents. J'y voyais mes cousins et cousines à l'occasion. Une fois par an je passais une semaine en cure thermale, c'était l'occasion pour mes parents et moi de faire du camping dans les Pyrénées. Quand j'ai arrêté les cures, on a laissé tomber le camping pour aller chaque année en Espagne pendant une semaine, à la mer.
Il y a eu une grande période de vide, pendant les 5 ans que j'ai passé sans emploi, chez mes parents, avec ma pension d'invalidité. Je passais mon temps devant la télévision, ou à lire, à envoyer des CV, ou à jouer sur mon ordinateur. J'allais au cinéma. Je n'avais pas d'amis.
J'étais nourri, logé, j'avais un peu d'argent, une voiture, mais je me sentais vraiment très mal. Dépendant, inutile, isolé. Et comme apparemment le secteur privé ne voulait pas de moi, j'ai commencé à passer des concours administratifs.
En 2000 je réussis le concours de secrétaire administratif. Une poste m'attend à la Direction Régionale de Affaires Sanitaires et Sociale d'Ile de France. Je quitte la Charente pour m'installer à Paris. Mon quotidien change radicalement.
Cela a été une vrai révolution de quitter la petite ville pour vivre seul dans la capitale.
Coup de foudre immédiat pour Paris. Imaginez, une ville où je marche dans la rue et personne ne me regarde. Entre les fous, les marginaux et les autres handicapés je passe inaperçu : c'est le rêve.
Après 2 mois à l'hôtel je trouve un appartement HLM par l'intermédiaire du ministère. Un F2 de 45m carrés au premier étage, pas loin de buttes Chaumont. J'y vis toujours actuellement et j'en suis toujours content. Bien que la situation de la cité se soit un peu dégradée depuis 4 ans et que régulièrement des bandes de jeunes viennent faire du bruit sous mes fenêtres, c'est toujours un lieu agréable. Je songe cependant à en trouver un autre qui serait plus calme et plus en hauteur.
Mon quotidien est simple et régulier.
En semaine je travaille, évidemment. 30 minutes de trajet en métro, ce qui n'est pas excessif.
Le soir je rentre chez moi, quelquefois je vais au cinéma, mais c'est rare en semaine.
Je fais mes courses 2 fois par semaine, avec mon petit caddie trolley à roulette.
Il n'est pas rare que le vendredi soir j'aille voir un film ou deux en sortant du travail. Quelquefois je retrouve mes amis pour un poker
Le samedi je me repose. Quand il faut je fais un peu de ménage et de repassage. Le dimanche je me repose encore plus.
Certains week-end sont consacrés au poker, ou a des soirées entre amis.
Vie sentimentale
Je n’entrerai pas dans les détails, car j’ai toujours été discret sur le sujet. J’estime que les histoires d’amours et de culs devraient rester strictement privées. Je concéderai juste à dévoiler une petite anecdote, a la fin.
Je parlerais donc plus du ressenti que du vécu. En même temps cela m'arrange, car au niveau du vécu, il n'y a pas grand chose à dire.
Je me désintéresse totalement d'une conversation où quelqu’un me raconte sa vie amoureuse, ses déconvenues sentimentales ou sa dernière aventure sexuelle. J’écoute par politesse, mais je m’en fous de savoir comment X a rencontré Y, comment A à dragué B, quelle est leur position préféré, ou les questions qu’ils se posent sur l’avenir de leur couple.
Le plus amusant c’est quand on me demande conseil, à moi qui n’ai jamais vécu en couple, et dont la relation la plus longue n’a pas durée plus d’un an.
Ou serait-ce plutôt qu'écouter leurs histoires sentimentales me fait mal, parce qu'en retour je n'ai pas grand chose à raconter, pas grand chose à partager…
Mon parcours sentimentale et sexuel n’est pas, je pense, comparable à celui des valides.
Impossible pour moi d’aborder une jolie femme et la draguer de but en blanc. Juste impossible, cela ne marche pas. Je n’ai pas le dixième de la confiance en soi nécessaire pour entreprendre un acte aussi frontal, et même si je l'avais, je pense que le résultat serait le même. Pour 99% des essais, c'est le râteau assuré.
Pour espérer avoir une relation, je dois passer par la camaraderie : la faire rire, installer un rapport de confiance, laisser passer du temps, voir si elle est à l’aise avec moi, comment elle réagit, si mon handicap ne la rebute pas. Puis essayer de passer un niveau au dessus.
C’est long en général, et pas toujours payant, car de la case "camarades" on glisse souvent vers la case "bons copains" ou "amis", et là c'est mort pour moi, quand je deviens bon copain ou ami avec une femme je sais que jamais je n'aurais de relations intimes avec elle un jour.
Cette méthode a marché assez bien pendant mes années de lycée et de BTS. J'ai réussi à sortir avec 2 filles. Mais jamais les choses n'ont vraiment été sérieuses. En même temps c'était l'âge où la découverte des sentiments et du sexe étaient prioritaires sur l'envie de construire une relation.
Ma première relation a remis plein de choses en place dans ma tête. J'idéalisais considérablement les rapports que je pourrais avoir avec une fille. Le fait de pouvoir un jour en avoir une rien que pour moi, pouvoir toucher son corps, l'embrasser, le pénétrer, me paraissait relever du divin, comme un genre d'acte sacré. Ce serait boire la liqueur du saint graal, un truc puissant impossible à atteindre.
Et puis la chose s'est faite et je me suis dit "ha, c'est cela en fait... C'est juste cela…". Mais c'est je pense une réflexion que la majorité des hommes et des femmes ont eu à ce même moment.
Malgré cela on y prend goût, évidemment. On a envie d'y retourner très vite.
C'est bon d'être intime physiquement avec quelqu'un de normal, extrêmement valorisant aussi. Dans ces moments-là j'arrive à oublier toute mon imperfection, seul compte le plaisir que je peux donner et recevoir.
Quand après le BTS j'ai vécu quelques années de chômage, habitant chez mes parents dans une petite commune, sortant peu, les occasions de rencontrer des filles se sont réduites au néant, cela a été dur à vivre, le manque.
Très peu d'occasions et d'expériences, donc. Un vécu quasi nul comparé à la moyenne.
Un jour une collègue s'est confiée à moi en me racontant un peu sa jeunesse. Elle m'a parlé d'un voyage au cours duquel elle était courtisée par plusieurs garçons, à qui elle donnait rendez-vous dans différents coins de l'hôtel pour flirter. Et un jour, par inadvertance, elle a donné rendez-vous à 2 garçons à la même heure et quasiment au même endroit. En l'écoutant je me suis rendu compte que jamais je n'avais connu ce genre d'expérience : les flirts instantanés, les histoires d'un soir, les amours de vacances. Cela m'a profondément déprimé. Pour ce qui est des sentiments et du sexe, j'ai l'impression d'être encore un ado.
Aujourd'hui je suis largué, je pense que jamais je ne serai capable d'entretenir une relation adulte avec une femme.
C'est trop tard maintenant je pense.
L'état d'esprit des femmes de mon âge est bien différent de celui d'une lycéenne. Les femmes célibataires que je rencontre actuellement ont déjà eu une vie. Elles ont un enfant, sont séparés ou divorcés avec pertes et fracas. Je ne sais pas comment je peux les intéresser. Soient elles cherchent à s'éclater à nouveau sans penser au lendemain dans les bras d'un homme viril qui le temps d'une nuit leur fera recouvrer un peu de plaisir sexuel. Soient elles cherchent à retrouver une stabilité auprès d'un homme rassurant et confiant. Je n'ai pas beaucoup d'expérience sexuelle et niveau stabilité et confiance en moi, c'est pas cela non plus.
Que me reste-t-il comme option ?
D'autres handicapés ? Je ne suis pas contre. Le problème est que je ne fréquente pas d'autres handicapés. Ils me rappellent trop ce que je suis, et je ne sais jamais de quoi parler avec eux.
De vielles filles qui comme moi ont peur de finir leur vie seule et qui on revu à la baisse leur critères de choix en matière d'hommes ? J'ai déjà donné et cela ne me plait pas. A chaque fois je suis tombé sur des personnes coincées et rétrogrades, chiantes à mourir au bout d'un moment. Et physiquement pas de premier choix.
J'ai aussi rencontré ce que j'appelle des mères Theresa. Des femmes gentilles et prévenantes, aux petits soins, protectrices, qui vous entourent de l'amour maternel qu'elles n'ont pas eu dans leur enfance. J'aime beaucoup ce genre de femme, elles me rappellent un peu mes petites amies du lycée. Le problème est que je veux être l'homme de quelqu'un, pas son enfant.
Je suis sans doute mal placé pour tenir ce genre de propos orgueilleux, mais comment dire… Je suis orgueilleux. Et fier. Et exigeant.
Depuis que je suis né je fais tout mon possible pour conserver un mode de vie proche de celui des valides. Pourquoi devrais-je faire des concessions dans ma vie sentimentale ?
Je veux être avec une femme qui me plaise physiquement.
Je veux être avec une femme qui ne me choisira pas par dépit
Je veux être avec une femme qui me considérera comme un vrai mec.
Sans ces conditions, point de salut. Je préfère rester seul. Je préfère souffrir du manque de compagnie, de tendresse et de contact physique. Même si j'en crève.
Je me conforte d'autant plus dans cette idée depuis que j'ai eu l'occasion de faire une rencontre forte intéressante avec une femme qui a eu la bonté de m'entrouvrir la porte de la maturité.
Je me rendais à mon travail, un matin comme les autres, quand dans le métro, une femme assise un peu plus loin en face de moi a attiré mon attention, comme souvent mon attention est attirée par une femme de ce type. La trentaine, le genre working-girl, stylée mais pas sophistiquée. Blonde, Les yeux verts.Elle a vu que je la regardais, m'a souri d'un air amusé puis a détourné le regard. J'en ai fait de même pour ne pas passer pour un pervers.
Lorsque quelques minutes plus tard j'ai reposé les yeux sur elle, j'ai constaté qu'elle me regardait déjà. Elle m'a souri à nouveau. J'ai l'habitude qu'on me regarde, les gens sont curieux. Souvent ils regardent mes mains ou mon visage. Elle semblait chercher mon regard. Apparemment sa curiosité à mon sujet ne portait pas sur ma différence.
A la sortie du métro, elle m'a demandé si je savais où se trouvait la DRASS. Bien sûr que je savais, j'y travaillais. On a fait la route ensemble, on a un peu discuté. Elle m'a posé quelques questions sur ce que je faisais, puis m'a expliqué qu'elle venait d'Orléans pour 2 réunions, une à la DRASS et une autre au ministère le lendemain.
Je l'ai guidé jusqu'à la salle de réunion.
On a discuté un peu plus tard à la pause café.
Ce midi là je n'ai pas mangé au réfectoire, mais à l'extérieur avec elle. Elle m'a proposé sa compagnie pour la soirée.
Je ne sais pas ce qu'elle cherchait exactement, Une occupation différente ? Le fantasme de se taper un handicapé ? Un pari perdu ? Ou peut-être que simplement je lui ai plu. Je ne lui ai pas demandé. J'ai juste profité de la chance qui m'a été offerte de profiter à nouveau de la proximité d'une femme et de son attention, de sa nudité aussi.
Et wow ! Rien à voir avec ce que j'avais connu auparavant. Sans doute le truc le plus excitant depuis ma première fois. Les sujets de conversations qu'on a abordés, sa façon d'être, son corps et sa sensualité étaient à des années lumières loin devant ce que m'avaient offert mes relations passées. En une soirée j'ai un peu rattrapé le temps perdu.
Le lendemain elle a pris mon numéro de téléphone. Elle ne m'a jamais rappelé.
Les quelques heures passés en sa compagnie m'ont un peu enseignés ce qu'était qu'avoir un rapport 100% adulte, dans les attitudes, les paroles et les actes. Impossible pour moi de revenir en arrière après avoir goûté à cela
Je ne sais pas de quoi demain sera fait sentimentalement parlant, mais je sais que désormais ce sera sans compromis.
Conclusion
Comme je l'ai dit dans l'introduction, il m'est difficile d'exister dans ce monde.
Je sais que c'est cliché de dire cela, car on a tous des problèmes, quelle qu'en soit la nature, et il y a bien evidemment des personnes dans une situation mille fois plus inconfortable que la mienne.
Tout ce que j’entreprends demande un déploiement de temps et d'énergie supplémentaire vraiment emmerdant.
J'estime que gérer le handicap me bousille 1/3 de la vie. Je perd chaque jour 1/3 de mon temps, 1/3 de ma disponibilité, 1/3 de mes ressources intellectuelles (voir le passage correspondant dans la part 1), 1/3 de productivité, 1/3 de toutes les sortes d'opportunités qui se présentent à moi. Et en même temps 1/3 de ma bonne humeur, 1/3 de ma forme, 1/3 de mon courage. A l'échelle d'une vie, c'est énorme !!!
Le handicap m'impose aussi beaucoup de renoncement. Renoncement à certaines activités, à certains emplois, etc, etc... La liste est longue.
Une belle collection de frustrations aussi. On voit beaucoup de scène comme cela dans les films dramatiques. Le mec qui reste sur le quai à regarder les autres partir, le mec assis seul sur un bout de banc à coté de 2 personnes qui s'embrassent, le mec qu'on choisi en dernier quand on fait les équipes de foot, le mec à qui tout arrive mais tellement après que se soit arrivé aux autres qu'il a même plus envie que cela lui arrive.
Je ne cherche pas l'apitoiement, ni à en rajouter, je veux juste que les gens comprennent à quel point je trouve mon existence difficile comparée à celle des personnes qui m'entourent au quotidien, et à quel point je fais des efforts pour ne pas renoncer à mener ma vie comme je la mène actuellement.
Et ce serait simple de renoncer. Il me suffit de quitter mon travail, retourner vivre chez mon père, retoucher l'allocation adulte handicapé. Et voilà : tranquille. Je reste à la maison, j'aide mon père pour ses tâches quotidiennes (courses, ménage…), je passe le reste du temps à surfer sur des sites pornos, à télécharger des films et des séries, à jouer au poker en ligne.
Finis les angoisses et le stress, finis la peur, les vexations, les frustrations, la fatigue. Ce serait la vie rêvée, en somme.
Je ne sais pas pourquoi, mais même si j'en rêve quelquefois dans les grands moments de doute ou de déprime, jamais je ne pourrais prendre cette décision de revenir en arrière.
Je cours après une chimère, celle d'être un jour en paix avec moi même.
En paix avec mon corps, en paix avec mes angoisses, en paix avec mon anxiété, en paix avec les autres aussi.
J'ai cette impression à la con qu'un événement va venir me libérer et m'apporter cette paix.
Une sorte d'accomplissement ultime.
Depuis tout jeune je cherche cela en me fixant des buts. Dans toutes ces étapes de la vie que les valides passent, si moi je suis capable de les passer comme eux, surement que l'une d'entre elles m'apaisera pour de bon.
Ce fut d'abord pouvoir sortir avec une fille. Je suis sorti avec une fille, mais je ne me suis pas senti apaisé.
Ce fut ensuite d'avoir mon bac. J'ai eu mon bac mais cela ne me ne m'a pas apaisé.
Poursuivre un peu mes études... Avoir le premis de conduire... une voiture... Décrocher un emploi... Quitter mes parents et habiter seul... Avoir un cercle d'amis... J'ai accompli tout cela aussi. Et pourtant je me sens toujours aussi mal.
Et quoi, après ? Attendez, je retrouve ma liste des choses à faire. Ha voilà :
[ ]M'installer avec une femme ;
[ ]Mariage ou PACS ;
[ ]Faire des gosses.
Et quoi d'autre après si j'arrive à faire tout cela et que rien ne me change ? Une fois qu'ils ont réussi leur vie, que font les valides pour l'améliorer, il faudra que moi aussi je le fasse...
Vous voyez, c'est sans fin. Je cours après un truc que je n'aurais jamais : la Normalité.
En fait non, je ne cours pas après la Normalité, je cours à coté, avec un fossé entre elle et moi. C'est pire, car même si je la dépasse, je ne pourrais jamais la rejoindre.
Mais si je m'arrête de courir, je meurs.
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